Qui était le recteur Charles Jégou ?
Deux inscriptions sont gravées dans le granit au-dessus des portes de la tour principale. Celle du côté ouest est rendue illisible par l'érosion de la pierre, mais celle située côté sud est parfaitement déchiffrable (surtout en lumière rasante). On y lit : « Le jour de la Sainct René, l'an mil CCCCCVIII (1508) fut fondée ceste église : et la tour en l'an M.D. neuff (1509) : dôt (dont) estoit recteur K.Iégou». (K. Iégou pour Karolus Jégou cad Charles Jégou). Notons que cette inscription est en français, ce qui peut surprendre dans cette partie de la Bretagne où la langue était le breton et les langues de l'église le latin et le breton. Deux hypothèses : -la première est que, bien avant l'ordonnance de Villers Cotteret en 1539 qui imposait le français dans tous les actes administratifs au lieu du latin, le Français a commencé à remplacer le latin en Bretagne à partir de la fin du 13e siècle pour les actes notariaux et juridiques. -la seconde est qu'à cette époque -16e siècle- les élites, une partie des habitants des grandes villes du Finistère et tous ceux dont les activités imposaient un contact avec d'autres régions, comprenaient et lisaient le Français.
Quel homme était donc ce recteur Charles Jégou qui souhaitait que, pour les siècles à venir, son nom soit associé à la construction de cette belle église dont il était fier d'avoir été l'un des artisans?
Selon les sources historiques disponibles (notamment Société archéologique du Finistère), il était gentilhomme (noble), originaire vraisemblablement de Quimper où il possédait, plusieurs maisons, rue de la Vigne et des propriétés à Kerfeunteun dont il tirait revenus. Il devint recteur de Tréoultré (Penmarc'h ) vers 1498 à la mort de Guillaume Becam, son prédécesseur. Plusieurs années après, il ambitionna de devenir l'abbé de la prestigieuse abbaye de Daoulas et s'adressa directement au pape duquel il obtint une bulle (1519) adressée à l'archidiacre de Dinan, ordonnant à celui-ci « de le pourvoir de la dite abbaye au cas qu'il l'en juge capable ». De fait, Charles Jégou devient abbé de Daoulas en 1520. Sans doute, sa situation ne fut-elle pas jugée très régulière par la suite car elle nécessita une bulle d'absolution avec obtention de dispense datée de 1527. Pourquoi ? Peut-être a-t-il caché qu'il conservait le rectorat de l'église de Penmarc'h avec les bénéfices afférents ; le cumul régulier et séculier était incompatible avec les règles alors en vigueur dans l'église. Autre hypothèse, Charles Jégou a pu conclure avec Jean de Largel, son prédécesseur à Daoulas, un accord secret comprenant des dispositions entachées de simonie.Quoiqu'il en soit, Charles Jégou resta abbé de Daoulas près de quinze ans et cessa de l'être peu de temps avant sa mort, le 10 janvier 1535 (10 janvier 1536 selon notre calendrier actuel suite à l'édit du Roussillon de 1569). Sa tombe est toujours visible à Daoulas. A Daoulas comme à Penmarc'h, le recteur fit preuve de dynamisme et de goût artistique, en reconstruisant une grande partie de l'abbaye (transept, clocher et chœur) et en faisant faire le grand vitrail du maître hôtel, chef d'œuvre pour la beauté de ses peintures, qui s'est conservé jusqu'à la fin du 18e siècle.