Saint Nonna a 500 ans

Nonna: saint... ou sainte ?

Nonna : saint … ou sainte ?

 

Tout le monde vous le dira : quand on n'est pas d'ici, personne ne connaît le prénom « Nonna » ! Tout au plus, ceux qui l'ont quand même entendu prononcer, s'imaginent-t-ils qu'il s'agit d'un diminutif … Il faut dire que c'est l'un des prénoms masculins les plus rares de France. Selon un site Internet spécialisé, il arriverait en 3ème position des prénoms les moins fréquents dans l'hexagone : 16 Français de sexe masculin seulement s'appelleraient aujourd'hui Nonna, tous ou presque, vivant à Penmarc'h ou étant originaires de la commune. Pour notre part, nous avons identifié  15 « Nonna mâles », dont deux en prénoms composés : Nonna-Marie et Pierre-Nonna ; sont-ils comptabilisés dans les 16 ? Sur ces 15, quatorze étaient présents le 2 janvier à la petite cérémonie inaugurant l'année du 500ème anniversaire de l'église Saint Nonna. Le plus jeune a bientôt 3 ans et le doyen vogue allègrement vers ses 90 ans. La relève est assurée : petit … mais costaud, le clan français des Nonna ! Mais de par le monde, des Nonna, il y en a bien d'autres. A part que ce sont … des femmes ; elles étaient d'ailleurs également représentées le 2 janvier par la plus jeune des enfants présents : une petite Nonna de 2 ans. En effet, quand on creuse un peu l'histoire religieuse, on trouve en fait deux « saintes » Nonna, pour un seul Saint Nonna avéré,  le nôtre !

Visite, un peu chauvine, je le confesse, aux pays des Nonna…

Pierre PORTAIS

 

Une Turque et une Cornouaillaise …

 

La première Sainte Nonna dont font état les textes anciens est née au 4ème siècle en Cappadoce, province de l'actuelle Turquie. Les textes rapportent qu'elle épousa Grégoire, membre d'une secte  et magistrat de Nazianze, ville de cette région d'Asie Mineure. Elle réussit à le convertir si bien qu'il devint évêque de la ville. De cette union naquirent trois enfants: Sainte Gorgonie, Saint Césaire et surtout Saint Grégoire le Théologien qui a souvent mentionné dans ses oeuvres la piété exemplaire de sa mère. La légende rapporte d'ailleurs que c'est grâce à sa prière que Nonna sauva Grégoire d'une tempête. Elle mourut en 374. C'est en référence à cette Sainte Nonna, toujours fêtée par les orthodoxes, que ce prénom est encore porté aujourd'hui par de nombreuses femmes russes (fête : le 18 août).

 

Une autre Sainte Nonna serait née en Cornouaille britannique à la fin du 4ème siècle. Elle est donnée comme étant la mère de David, saint patron du Pays de Galles. Il y a plusieurs versions quant à la maternité de cette « sainte » femme. Selon la première, elle avait épousé Caractacus, roi de Cornouaille, dont elle eut cet enfant avant d'entrer en religion dans la dernière partie de sa vie. Autre scénario : c'était une religieuse – une « nonne », « nun » en anglais, d'où « Nonna » - qui aurait été enlevée et engrossée contre son gré par un prince nommé « Sant ». Enfin, 3ème légende : c'était la fille d'un puissant chef de clan cornouaillais, Goedelic, bannie par sa famille lorsque celle-ci découvrit qu'elle était enceinte hors mariage. C'est en 520 qu'elle aurait donc accouché par une terrible tempête, dans les rochers de la péninsule connue aujourd'hui sous le nom de « Pointe Saint David », à la limite du Pays de Galles, et où une pierre est toujours présentée comme ayant été façonnée par Sainte Nonna qui s'y cramponnait dans les douleurs de l'enfantement. Toujours est-il qu'elle devint la sainte patronne d'Altarnun ou Altarnon en Cornouaille – (altar : autel ; Non ou Nun : Nonna) où figurent ses reliques… bien que la tradition affirme qu'elle est morte en Bretagne, à Dirinon, dont elle est la sainte patronne. A Alternon, il y a une fontaine dédiée à Sainte Nonna et dont l'eau est censée guérir de la folie. Cette Nonna-là est fêtée le 15 juin.

 

Saint Nonna, évêque d'Armagh

 

Quant au Nonna qui nous intéresse, celui qui donna son nom à l'église de Penmarc'h, il existe également plusieurs variantes sur les circonstances de son arrivée sur nos côtes. Selon l'une de ces légendes, qui nous avait été relatée par André Tanniou dans le Mouez Penmarc'h n° 15, il arriva d'Irlande à bord d'un bateau de pierre en compagnie de son frère Tudy et de sa sœur Thumette. Chacun s'était ensuite fixé là où étaient tombés les galets qu'ils avaient jetés depuis la pointe de Saint Pierre : Tunvezh (Thumette) à Kérity, Nonna à Tréoultré et Tudi à l' Île Tudy.

Selon Lucien Jégou, citant la « Vie des Saints de la Bretagne Armorique » d'Albert Le Grand, « la tradition veut qu'il devînt, contre son gré, évêque d'Armagh en Hibernie (ancien nom de l'Irlande). Homme simple, il eût préféré quelque retraite monastique ou ermitage, une solitude contemplative qui lui eût permis, dans la sérénité, de servir Dieu et d'assurer son salut. Le Seigneur lui révéla qu'avant de trouver ce repos, il aurait à traverser la mer pour aider les premiers prêtres et évêques à déraciner «les vices et les superstitions» demeurés vivaces chez les Armoricains, malgré le zèle déployé par les Hommes de Dieu.

Un soir, il se promenait le long de la grève. Il s'assit sur une roche, au pied des vagues et, mû par un souffle surnaturel, lança un ordre au granit sur lequel il méditait: « Va !» Incontinent, le rocher se détacha de la côte et prit le large, fendant la mer celte à si grande vitesse qu'après un jour de navigation parurent d'autres rivages: c'étaient les côtes de Penmarc'h en Armorique (…)

Dans la sauvage presqu'île, malgré les efforts des premiers émigrants, les indigènes restaient en partie fidèles aux dieux gaulois ou romains. Ils persistaient à lever des dolmens, honoraient la déesse Vénus, adoraient les arbres et sacrifiaient aux fontaines. Le spectacle de ces pratiques émut Nonna. Il renonça à la retraite pour instruire les païens. Il en convertit un grand nombre et Dieu lui permit de faire des miracles pour effacer les dernières traces de l'idolâtrie. Sa renommée gagna bientôt toute la contrée, et des pénitents, des malades et des infirmes affluè­rent à Penmarc'h. Nonna s'était retiré au Penity, situé non loin du bourg actuel de Penmarc'h. Le Saint prodi­gua les soins de sa généreuse piété aux visiteurs tourmentés et misérables, puis las de tant de travaux, se retira dans un îlot situé à l'Ouest de Saint-Pierre (« Enez Nonna », l'île Nonna) et que la mer ceinture à marée haute. On affirme que l'usure de certaines roches remonte à l'époque où Nonna recevait dans sa retraite le pieux hommage d'innombrables fidèles. Il tenta à nouveau de se soustraire à la ferveur populaire. Il fit de Locarec, puissant rocher qui domine la grève, un lieu plus propre à la médita­tion ».

Ici photo St Nonna Penmarc'h »

 

Une première église au 6ème siècle

 

Une autre légende relatée par Lucien Jégou rapporte que, comme dans le récit d'Albert Le Grand, Nonna arriva seul, mais dans une auge de pierre et non sur un rocher. Il ramassa un galet très lourd pour le déposer à l'endroit où il fixerait sa retraite. Mais ne put le porter très longtemps et il le roula donc devant lui. Il parcou­rut ainsi sans s'arrêter la distance qui sépare Saint-Pierre de Kerga­dec. Là, fatigué de ce rude effort, il se reposa un moment et chercha à se désaltérer. Ne trouvant ni puits ni ruisseau, il frappa le sol de son bâton, une source limpide surgit (cette fontaine située à mi-chemin entre Penmarch et Kerity, était autrefois entourée de bancs de pierre. Ils ont été détruits et la fontaine transformée en lavoir). Après s'être remis de ses efforts, Nonna reprit sa route, toujours roulant son galet. Il dut s'arrêter à nouveau à Kerellec. Un rocher bordait le chemin et le Saint s'y assit. Dieu qui veillait à son repos transforma le granit, rude au postérieur du voyageur, en une cire molle. On voit toujours aujourd'hui au pied du calvaire de Kerellec un gros rocher creusé en son sommet. C'est peut-être l'empreinte … du saint séant de Nonna ! Après cette halte réparatrice,  le saint poursuivit son chemin et s'arrêta sur une petite éminence et y resta. A cet endroit, le peuple fit édifier une première église qui fut détruite et remplacée au 16ème  siècle par une autre, plus grande et plus belle : l'actuelle église Saint Nonna. Le galet demeure. Il est placé entre deux contreforts, à l'angle Sud-Ouest de la grosse tour.

« Saint Nonna vécut de nombreuses années à Penmarc'h. Il y exécuta des travaux considérables, tandis que les miracles se multipliaient sous ses pas. Il débarrassa entre autres le pays d'un mons­tre affreux qui le terrorisait. Le corps de ce diable avait une forme humaine, mais sa tête verdâtre était semblable à celle d'un crapaud, tandis que ses genoux armés d'un aiguillon tran­chant en forme de bec d'épervier, avaient un aspect redou­table (à noter que dans l'église, c'est Saint Michel qui est représenté en train de tuer ce démon : voir « connaissez-vous le patrimoine de Penmarc'h dans le n° de décembre).

Nonna, son œuvre accomplie, entouré de la vénération populaire, quitta cette pointe de Cornouaille et passa le reste de ses jours dans l'ermitage de Saint Vougay, dans le Léon, où il mourut « le quinzième juin environ de l'an de salut 585 ».

 

Lire aussi l'article Nonna que 90 ans séparent

 

Sources :

« Penmarc'h, histoire et traditions » de Lucien Jégou et divers sites Internet dont « nominis.cef.fr », « archiver.rootsweb.com », « forum-orthodoxe.com » et « maison-russie.fr »

 

A noter qu'il est également fait mention dans les textes, d'un Saint Nonne, moine égyptien  qui fut nommé évêque d'Héliopolis, en Syrie en 448. Mais faut-il le rapprocher de Nonna ? Il est nommé Numius (« Nom ») dans les textes catholiques romains. Deux reliques de Numius auraient été remises à la paroisse Saint-Nonne, dans les Yvelines près de la Bretèche, qui se fit alors appeler Saint Nom La Bretèche.

 



16/05/2008
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